Suite à un premier article intitulé « Un monticule à la fois : l’artiste autochtone américain Santiago X s’exprime sur la reconstruction des villes autochtones, avec Pascal Robaglia« , nous continuons dans cet l’article à la discussion en Pascal Robaglia et Santiago X.
Pascal Robaglia : Il existe plusieurs symboles dans l’histoire des tertres. Pouvez-vous expliquer leur signification ?
Santiago X : L’un des symboles les plus reconnaissables est peut-être celui du serpent. Le tertre du Grand Serpent dans l’Ohio est particulièrement bien connu et il en existe un autre dans la région de Chicago. C’étaient des sites historiques importants où des bateaux de transport des marchandises naviguaient entre des étendues d’eau. Pour les peuples autochtones, le serpent est le seuil ente la mise en danger et la prospérité. Cela représenter la mort, tout autant que le renouveau dans une vie, ce qui est représenté par sa mue. Vous pouvez souvent voir un œuf dans la gueule de certains symboles du serpent, signe du pouvoir générateur et destructeur du serpent. J’ai le projet de construire une effigie de serpent sur laquelle il y aura une projection numérique pour donner l’impression qu’elle est en mouvement. Ce n’est ni de la nostalgie, ni du plagiat ; il s’agit de pouvoir innover à nouveau sur notre propre terre, ce qui est au cœur de ce que signifie être un autochtone futuriste autochtone.
Pascal Robaglia : Une autre composante de votre travail pour la biennale sera installée dans le centre culturel néo-classique de Chicago, dans le centre-ville. Quelle forme cela va-t-il prendre ?
Santiago X : Du point de vue de l’architecture, j’en ai assez des faux bâtiments européens en Amérique du Nord. Ils ont déplacé des personnes et des écosystèmes pour glorifier les colonisateurs. Au centre culturel de Chicago, j’utiliserai le même langage architectural que les tumulus autochtones, mais à une plus petite échelle.
Pascal Robaglia : Les tertres en terre ne sont pas les premiers monticules que vous avez construits, n’est-ce pas?
Santiago X : Je travaille aussi beaucoup avec le streetwear. L’un de mes projets en cours consiste à créer des tertres funéraires en jersey Blackhawks de Chicago. La mascotte de l’équipe de hockey est la tête d’un Amérindien sur fond rouge, comme s’il s’agissait d’une mare de sang : elle s’approprie la culture amérindienne et valorise la violence. J’ai créé ces monticules de maillot à différents endroits de la ville. Je les détruis ensuite en faisant un feu cérémonial.
Je voulais que les gens prennent davantage conscience de ce qu’ils soutiennent. Nous devons générer plus de dialogue autour de cela. J’ai lancé le projet sur les monticules en demandant aux gens de donner leur maillot Blackhawks à détruire. Mes filles et moi-même allions aussi dans les magasins d’épargne d’occasions de la région pour acheter tous les maillots que nous pouvions trouver et, bientôt, des gens donnaient de l’argent pour les acheter.
Pascal Robaglia : Utiliser l’image de figures amérindiennes comme logos ou mascottes pour les équipes sportives est un sujet controversé aux États-Unis depuis de nombreuses années. Avez-vous reçu des réactions négatives ?
Santiago X : La plupart des gens se montrent favorables vis-à-vis de son travail. Mais étant un artiste autochtone en Amérique, la résistance est une chose quotidienne. Les artistes autochtones qui possèdent une certaine notoriété font face à l’hostilité et à une forme de ressentiments. Ce que nous faisons est finalement un travail d’amour. Espérons que nous pourrons créer un monde plus harmonieux pour tous. L’indignité est une sorte de coexistence avec la Terre et le cosmos. J’essaie de renouer avec cela par le biais de l’art et je le fais pour célébrer la mémoire de mon peuple.